lundi 29 avril 2013

Bakuman - Analyse Anime

Lorsqu'on pense aux œuvres fondatrices qui font des mangas ce qu'ils sont aujourd'hui, on pense irrémédiablement à des noms comme Akira, Dragon Ball, One Piece, Death Note...
Mais s'il y a une chose qui se fait rare, ce sont les œuvres engagées, celles qui réfléchissent sur le support et s'en servent pour faire passer un message. Bakuman est l'une d'entre elles.


Notre analyse suivra le plan suivant :
  1. Introduction
  2. Œuvre totale
  3. Fiction et réalité
  4. Une création engagée
  5. Le manga de combat standard non-conventionnel
  6. Conclusion

Introduction


Bakuman est une série relatant l'histoire de deux collégiens qui décident de se lancer dans le manga, sur fond d'histoire de cœur.
Elle est l’œuvre du célèbre duo Tsugumi Ohba (histoire) et Takeshi Obata (dessin), qui s'est fait connaître avec le best-seller mondial Death Note.

Le manga compte 20 tomes, adaptés en 3 saisons animés de 25 épisodes par J.C. Staff et dont la dernière a terminé sa diffusion en mars 2013.

Derrière ce synopse épuré voir simpliste se cache une œuvre multi-genres, rendant un magnifique hommage à la création et portant un regard engagé sur l'industrie du manga.

Pour faciliter son analyse, je vais faire une analogie complète de l'adaptation avec le manga originel. Nous la traiterons ainsi comme s'il s'agissait du manga bien que je me base sur le contenu de son adaptation.

Œuvre totale


Dire que Bakuman est à la croisée des genres serait rabaisser l’œuvre. Plutôt que d'en faire un hybride, Bakuman les maitrise tous, créant un résultat extrêmement raffiné et offrant un divertissement de haute volée.

L'un des principaux catalyseurs est la qualité des personnages. Tous ont des traits de caractère assez simples à cerner, ce qui fait qu'on s'y attache très rapidement.
Ces caractères bien trempés génèrent une bonne dose de rire, résultant souvent d'un comique de situation ou de leurs personnalités extravagantes.

Mais si le comique est un élément souvent au rendez-vous dans les shonens, la romance n'a jamais été aussi bien maitrisée que dans Bakuman. Les histoires de cœur sont touchantes et les personnages féminins sont bien designés et ont des personnalités intéressantes, chose souvent trop rare dans un shonen.

Si les personnages sont souvent hauts en couleur, le cadre et les situations gardent les pieds sur terre. Empruntant le meilleur au genre du "slice of life" (traduisez "tranche de vie"), on est spectateur de plusieurs années de la vie de nos héros et de toute la troupe qui les entoure, le tout dans le cadre réaliste nécessaire pour rendre hommage aux mangas.

Le dernier genre remarquable dans Bakuman est sans doute le plus surprenant mais dont on savait déjà que notre duo d'auteurs le maitrisait : le thriller.
Aussi impressionnant soit-il, il se crée d'épisode en épisode des tensions autour des événements fatidiques qui n'ont d'égales que la délivrance ou la déception qui en résulte. Bakuman joue avec nos nerfs et nous surprend en toute simplicité.

Et la maîtrise des genres ne s'arrête pas là. Car s'il y a bien un défi à relever quand on fait un manga sur les mangas, c'est de créer les mangas dans le manga. (c'est tellement génial les mises en abîme)
Et là, c'est feux d'artifices et carnaval nocturne : science-fiction, comédie burlesque, policier, ecchi (contenu sexuel implicite), sport, fantasy...
Tout l'univers du manga y passe, à part le hentai peut-être. (contenu sexuel explicite)

Autant dire qu'il n'y a plus rien à redire quant au génie des deux auteurs : que ce soit pour les histoires ou les dessins, tous les styles sont maitrisés. Une véritable prouesse.


Mais là où Bakuman tire vers le génialissime, c'est qu'on aurait envie que toutes ces œuvres fictives soit réellement écrites tellement elles nous paraissent géniales.
Parce qu'on connait les détails de leur création, l'envie de les voir franchir la barrière entre le monde de Bakuman et le nôtre est très forte.

C'est en ce sens que Bakuman est un des plus merveilleux hommages fait à la création. Il traite de tout le médium avec excellence et nous fait partager les joies et les peines de ces personnages qui donnent tout pour leurs passions et leurs rêves, au travers de thématiques modernes et avec un bon goût à tout épreuve.

Fiction et réalité


Si Bakuman est une série intéressante, c'est bien parce qu'elle parle de manga dans un manga.
Cette forme de mise en abîme est extrêmement courante dans tout les médiums : les auteurs adorent avoir des artistes comme personnages car ils arrivent à se mettre à leur place et à retranscrire des émotions complexes qui sont bien souvent les leurs.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que toute la passion de Tsugumi Obha transpire dans son œuvre, à tel point que cela en est contagieux.

Pour bien comprendre Bakuman, il faut avoir conscience de son auteur. Les parallèles entre notre duo de héros et notre duo d'auteurs sont extrêmement nombreux et totalement volontaires. À ce titre, je pense qu'il est fortement recommandable d'avoir regardé Death Note et de s'être intéressé au personnage de Tsugumi Obha pour en saisir tout le sens.

Tsugumi Obha est l'une des plus grandes énigmes du monde du manga. Il travaille sous un nom de plume et son identité est seulement connu par un cercle très fermé. Death Note a fait de lui l'un des plus grands auteurs de mangas de son temps et Bakuman ne fait que confirmer son talent, si ce n'est son génie.

C'est en se mettant à sa place que les analogies potentielles entre son personnage et sa création apparaissent clairement. Si tôt que les références se font évidentes, on en vient à se poser de nombreuses questions à son sujet. Est-ce que d'autres parties de l'histoire sont issues d'un vécu ? Est-ce que le secret de son identité se cache entre les lignes ?

Tsugumi Obha réussit ici un véritable tour de force. Là où le procédé de se baser sur des événements réels conduit bien souvent à des facilités, il se sert avec brio de son côté énigmatique et donne à Bakuman une profondeur insoupçonnée. Cela ne s'arrête d'ailleurs pas à lui car la toute aussi énigmatique industrie du manga, à travers de toute l'équipe éditoriale du magazine Shonen Jump, renommé en Shonen Jack pour l'occasion, est aussi de la partie.

Tout au long de cette histoire, on partage un lien très fort avec son auteur. Comme s'il s'offrait à nous, dévoilant rêves et faiblesses. Jamais vous n'aurez connu autant quelqu'un dont vous ignorez le nom et le visage.

Une création engagée



Le lien qui s'établit entre le lecteur/spectateur et Tsugumi Obha a aussi une autre utilité. Au travers de Bakuman, il veut transmettre sa passion mais aussi sa vision de l'industrie du manga. 

Car Bakuman a en effet un objectif didactique, ce qui constitue une plus-value certaine. Que ce soit la conception des mangas, l'industrie de la sérialisation ou encore celle de l'animation, tout est extrêmement bien documenté et offre de très nombreuses informations sur des coulisses bien souvent mystérieuses.

Et il est clair que le regard que vous portez sur la conception des mangas changera après Bakuman. Que ce soit le volume de travail, la pression, la quête de la sérialisation, les délais,... le portrait qui nous est dressé est loin d'être idyllique, sans être pour autant diabolisé.

Ce qu'il faut savoir, c'est que les mangas sont des créations sérialisées. Les auteurs sont mis en concurrence dans les magazines et doivent fournir chaque semaine un nouveau chapitre. De plus, les intérêts de l'éditeur doivent aussi entrer en compte. Les mangakas bénificient donc d'une liberté toute mesurée sur leurs œuvres.

Tsugumi Obha veut ainsi mettre en avant les limites créatives du processus de création de manga. Il cherche clairement à toucher les mentalités et à faire changer certaines choses dans l'industrie du manga.

Son objectif est aussi plus simplement de montrer de ce qu'est être mangaka. Outre le fait de créer des vocations, cela permet de faire en sorte que les lecteurs aient conscience du créateur, afin que le lien qui s’établit soit plus fort. Pour être tout simplement plus proche des gens.

Le manga de combat standard non-conventionnel


Mais il y a un genre dont je n'ai pas parlé jusqu'à présent et pourtant c'est celui qui est prépondérant dans Bakuman : le manga de combat.
Le manga de combat est un peu au manga ce que le policier est à la littérature : c'est le genre phare. C'est celui qui touche le plus large public et qui déchaine les passions. Certains mangakas stars se font d'ailleurs connaître avec seulement un manga de combat à la longétivité record.

Le manga de combat met en scène un jeune protagoniste faible et sans histoire qui va se retrouver plongé dans un monde extraordinaire où il va devoir combattre face à un mal grandissant avec sa bande d'amis grandissante et avec des pouvoirs grandissants. Le récit épique par excellence.

Mais en quoi cela à voir avec Bakuman ? Et bien Bakuman en est littérallement un sauf qu'on s'y bat à coup de mangas.
Tout les ingrédients y sont : beaucoup de personnages, cercles d'amis grandissants, rivaux, mentors, embûches, "combats" entre les mangakas pour être le plus populaire, héros partant de rien et devenant de plus en plus forts, un objectif ultime...

En soi, c'est comme un manga de combat standard mais où on ne se combat pas physiquement mais plutôt mentalement.
Si on devait lui donner un nom ce serait celui-ci : manga de combat standard non-conventionnel.
Appelons-le USFM pour "Unconventional Standard Fighting Manga".

Mais là où cela devient intéressant, c'est que ce nom n'est pas de moi. C'est l'auteur lui-même qui introduit cette idée au sein même de son oeuvre en se servant des réflexions de ses héros sur un manga fictif.

L'intention est claire : Tsugumi Obha veut encore faire passer un message. Il décrit le genre, là encore par ses personnages, comme providentiel pour le futur du manga et pouvant être le point de départ d'une nouvelle ère. Et il n'a peut être pas tort.


Des titres ayant eu du succès rentrent dans cette catégorie.
Hikaru No Go par exemple, qui est "étrangement" un précédent travail du dessinateur Obata Takeshi, est un manga sur le jeu de go qui a fait renaître une vague d’intérêt chez les jeunes japonais pour ce jeu ancestral.
Death Note aussi rentrerait dans cette catégorie avec cet affrontement psychologique et épique pour la justice entre Yagami et L.

Le USFM est un genre intéressant car il trouve écho dans un public très vaste, à mi-chemin entre shonen (manga pour jeunes adolescents) et seinen (manga pour jeunes adultes). Il joint au manga de combat, qui est un genre accessible destiné à un public jeune, un large apsect psychologique, qui touche un public plus âgé.
Ce sont des œuvres totales, à la fois divertissantes et profondes. Le combat y possède aussi une meilleur éthique : on ne combat pas contre le mal mais pour un objectif, un rêve.
Il est donc plus facile de se retrouver dans ces personnages car le combat de la vie nous concerne tous.

Reste peut-être une chose à éclaicir, c'est la place des shonens sportifs vis-à-vis de ce sous-genre. Même s'il est assez facile de les classifier dans une catégorie propre, ils demeurent assez proche de l'USFM dans le sens où les combats sont affaires de jeux de balles. Je vous laisse donner votre avis en commentaire.

Conclusion 


Bakuman est une série intéressante à plus d'un titre.
Mais outre le fait qu'elle nous ouvre les yeux et pousse au débat, elle n'en reste pas moins un divertissement touchant la perfection.
Une chose est sûr : Tsugumi Obha et Takeshi Obata ont réussi leur pari de créer une œuvre de qualité malgré l'immense défi qui se présentait à eux. Et rien que pour ça, Bakuman mérite amplement son appellation de chef d’œuvre.

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