vendredi 17 août 2012

Portal - Analyse Jeu vidéo

Introduction


Il fallait bien commencer par quelques chose. Il m'a paru évident de débuter par un sujet que je connais pleinement, et pour cause : il s'agit de mon jeu préféré.
Nous allons parler de Portal 2, le FPS/réflexion signé Valve.



 Nous allons suivre le plan suivant :
  1. Présentation
  2. Mécaniques émergentes
  3. Parcours autodidactique
  4. Une narration empreinte de mystère
  5. L'art de la symbolique
  6. Recette pour "Portal-like"
  7. Conclusion

 Présentation


Même si je pense qu'il a été difficile de passer à côté, je vais quand même procéder à une présentation succincte pour la forme, au cas où certains sortiraient tout juste de leur grotte.

Portal 2 est la suite du jeu expérimental sorti en 2007. Son principe est d'évoluer à travers des salles de test à l'aide de portail de téléportation afin d'en atteindre la sortie.
Le jeu est aussi connu pour son atmosphère et son scénario étrange et délirant.

Encensé par les critiques et bien accueilli par les joueurs, le jeu a su s'imposer dans les moeurs comme un jeu hors-norme, malgré les réticences qu'avaient certains à l'idée de donner une suite à un jeu mythique.

Je ferai souvent des parallèles avec Portal premier du nom car l'héritage a été gardé dans la suite et donc les commentaires peuvent s'appliquer aux deux.



Mécaniques émergentes


Ce qui fait que le gameplay de Portal est aussi riche, c'est l'énorme émergence apportée par l'utilisation des portails.

En effet, quasiment tous les éléments, objets ou actions qui composent le gameplay du jeu possèdent des interactions avec les portails. Ils ont d'ailleurs plusieurs utilités la plupart du temps.
Il faut souvent comprendre comment les mécaniques marchent de façon standard avant de les utiliser avec les portails.


Le gameplay semble composé de trois couches :

1) La couche de base.
À ce niveau, il est juste question de l'espace de jeu et des éléments primaires comme les actions standards et les objets.

2) La couche "portail".
Les portails interviennent sur la première couche en permettant toutes sortes d'interactions avec l'espace et les éléments déjà en présence.

3) La couche avancée.
Il s'agit ici de toutes les mécaniques de gameplay qui rentrent en compte après l'importation des portails. Par exemple, les notions de transfert de vitesse et de gravité.

Pour amener du challenge, les énigmes vont s'étoffer de deux principes : la décomposition en étapes, qui crée une situation plus complexe dans laquelle il faut trouver la marche à suivre, et la dimension temporelle, avec des actions à effectuer avec le bon timing.

Parcours autodidactique


La marque de fabrique de la série, c'est aussi l'approche autodidacte de la prise en main.
Le joueur est mis dans une situation où il est contraint d'utiliser une technique particulière.

Ce qui en fait la force, c'est le sentiment de fierté qu'il fait ressentir au joueur. On ne lui explique rien mais, guidé par le level-design et des indices visuels, il parvient à trouver la solution en se basant sur ses acquis.

C'est à la fois très gratifiant pour le joueur qui se juge positivement mais aussi très brillant en matière de tutoriel car le joueur réalise assurément l'action et, non fier de l'avoir découvert tout seul, la retient d'autant plus. Et puis il y a aussi cette sensation de se faire manipuler par le jeu qui vous laisse perplexe.

Cette approche fait désormais légion dans le monde vidéoludique. Pas besoin de manuel ou de didacticiel séparé : tout est compris dans l’expérience de jeu.

C'est aussi garant de l'évolution de la difficulté : plus on avance, plus on est contraint à utiliser des techniques avancées.

Ce qui fait l'originalité de Portal sur ce point, c'est que le jeu entier n'est qu'un immense tutoriel.
Cela fait réfléchir quant à la nature de l'expérience que peut proposer un gameplay.
Un format vidéoludique répandu consistait à mettre le plus tôt possible entre les mains du joueur les mécaniques, la découverte étant ensuite basée sur leur utilisation tactique, comme dans les RPG ou les FPS par exemple.
Dans Portal, vous allez de découvertes en découvertes, sans jamais tomber dans la redondance grâce à de nouvelles mécaniques qui s'ajoutent au fur et à mesure.

Une narration empreinte de mystères


En jouant à Portal, assurez-vous de deux choses : que vous avez bien exploré toute la salle et que vous n'avez pas coupé le son.
Car ce qui a rendu le jeu mythique, c'est autant son ambiance éthérée, délirante et légèrement inquiétante que ses répliques drôles, pleines de références et de sous-entendus.

Premièrement, Valve a réussi un véritable tour de force en inscrivant Portal dans l'univers de Half-Life, se mettant dans la poche les fans de ce monument du FPS. Et même si cela se limite à des petites références, l'illusion est là.
On s'attendrait presque à apercevoir G-Man au travers d'une vitre. L'impression laissée par le complexe d'Aperture Science est d'ailleurs assez similaire à celle laissée par l'homme à la valise.

La découverte des premières traces de Rat-Man est assez mémorables. Des dessins et messages planqués dans les bas-fonds des salles de test comme unique preuve d'une présence humaine.
On s'amuse à essayer de deviner de qui il s'agit et comprendre son histoire.

Portal entretient de cette façon une communication silencieuse avec le joueur. Les messages muraux et les répliques sont sources de micro-informations qui mettent le joueur dans l'ambiance et lui donne des moyens d'essayer de comprendre les choses, sans pour autant donner des réponses toute faites. Des indices souvent uniques qui laissent toujours planer le doute en l'absence d'autres indices pour corroborer notre théorie.

De la même façon, Valve s'amuse à gâter ses fans en proposant d'ingénieux easter-egg à ceux qui veulent aller plus loin en poursuivant l’expérience Portal en dehors du jeu, à la façon d'un jeu en réalité alternée (Alternate Reality Game).
L'impression laissée est dévastatrice. Rendez-vous sur http://aperturescience.com/ après avoir fini le premier épisode et c'est le coup de flippe assuré.
Le second opus va encore plus loin avec des images encodées en ondes radio et l'accès à des features sur un équivalent américain du minitel.

L'art de la symbolique


C'est sans aucun doute l'aspect que je trouve le plus intéressant dans la série Portal.
Faites un test. Prenez une connaissance à vous qui a joué à Portal (premier du nom de préférence) et montrez lui ça :

Vous devriez être le témoin d'une réaction instinctive et enjouée du style : "Ah ! C'est le cube dans Portal !". Car oui, nous avons là un symbole emblématique de la série. Un symbole dont la seule vision déclenche un élan nostalgique. Un symbole qui s'est vu maintes fois adapter en rubik's cube ou autre peluche.
Et ce n'est pas le seul symbole ! De nombreux autres éléments de Portal 2 ont atteint la notoriété.

Un bon symbole se mesure à plusieurs choses.
Sa redondance tout d'abord. Un objet qui apparaît de façon récurrente dans le jeu marquera sensiblement plus le joueur. Portal possède un cadre idéal et cohérent pour cela avec des décors épurés et la situation de test.
Les deux derniers points se rejoignent : l'importance et le charisme. Derrière ces paramètres en apparence subjectifs se cache en fait une toute autre vérité : charisme et importance sont définis par le jeu et non par les joueurs.

"Pourtant ce sont les joueurs qui sont censés s'attribuer ces symboles ?", me direz-vous.
C'est en partie vrai. De nombreux symboles vidéoludique doivent entièrement leur notoriété aux joueurs. Le champignon dans Mario par exemple.
Mais nous allons voir que les développeurs peuvent guider le joueur.

Cela est très criant dans la série Portal. Prenons les tourelles. Elles auraient très bien pu n'être que de vulgaires mitraillettes sur pattes. Mais il a fallu qu'on leur rajoute la parole. Et pas n'importe comment : on les a rendues drôles et inquiétante.
Dans Portal 2, on en vient même à expliquer tout le background qui se cache derrière leur fabrication (avec humour d'ailleurs).

Le travail sur la symbolique du cube compagnon est beaucoup plus parlante. Dans Portal 1, une salle de test entière lui était consacré, dans laquelle vous utilisiez pour la première fois une caisse à la façon d'un allié.
Dans cette salle, vous trouviez un véritable autel en l'honneur du cube compagnon érigé par Ratman. Le joueur, s'identifiant à Ratman car dans la même galère, donne plus d'importance au cube compagnon, voire joue totalement le jeu et s'y attache.
Anecdotiquement, vous pouviez même en ces lieux déclencher un easter egg permettant de multiplier votre cube compagnon.

Mais l'élément le plus intéressant restait la fin du niveau. Une petite mise en scène était mise en place dans le but que vous "euthanasiiez" (mot utilisé par GlaDos) votre cube compagnon par les flammes. Il va sans dire que cet effort particulier de mise en scène vous demandant de sacrifier un allié pour avancer, en lui donnant des traits humains qui plus est, n'est pas sans cause dans la notoriété du cube compagnon.

Si vous n'êtes pas convaincu par la volonté de Valve de créer des symboles, il vous suffit de voir le traitement particulier que subit le cube compagnon dans Portal 2. À la fin du jeu, il fait même une ultime apparition dans le style "Ne m'oublie pas".

Dans Portal 2, la symbolique apparaît même clairement comme un enjeu scénaristique. Les éléments secondaires tels que le corbeau, les patates ou les roches lunaires sont sujets à de multiples références et apparitions.
Au lieu de rajouter des nouveaux éléments, on utilise plusieurs fois les mêmes en leur créant un background. Un peu comme si l'univers de Portal n'était qu'une boîte hermétique dans laquelle était regroupés personnages et objets symboliques, sans qu'aucun autre élément ne puisse venir s'y mêler, et qu'on mélangerait régulièrement afin de créer des situations différentes.

La création de symboles est une excellente chose. Cela renforce l'aspect communautaire.
Il va sans dire que les symboles vidéoludiques appartiennent aux jeux populaires. Mais en est-ce la cause ou la conséquence ?

Recette pour "Portal-like"


Le succès des deux opus a engendré la création de pas mal de clones. C'est une véritable pluie de FPP (First Person Puzzle) qui s'est abattue sur nos têtes.
Pourquoi ? Parce qu'on a découvert qu'il existait une recette pour recréer une expérience similaire, tout en prônant une originalité apparente.

On peut citer entre autres Q.U.B.E, Vicinity : Warp Reality, (je prends ceux qui me viennent en tête) ou encore Quantum Conundrum, que nous mettrons un peu de côté car Kim Swift, la maman du concept de Portal, a travaillé dessus.

Je ne m’attarderai pas sur les jeux qui s'en inspirent en reprenant par exemple le contexte expérimental ou la présence d'une IA maléfique mais là encore il y a du monde au portillon.

Outre la quête d'un succès similaire, pourquoi autant de clones se sont-ils créent au point que le portal-like a fini par devenir un genre ?

La pauvreté du travail esthétique à réaliser tout d'abord. En l'absence de décor fouillé, la recherche se situe surtout en termes de design d'objet et d'ambiance visuelle.
Pour le scénario, continuer de suivre la recette. Piégé seul dans des salles de test, accompagné à distance par des personnages loufoques, drôles et inquiétants, plein de mystères et peu de réponses.

Pour finir, il nous faut un gameplay. Pour cela, considérez vos trois dimensions spatiales, la dimension temporelle et la gravité. Il vous suffit à présent de trouver un moyen de jouer avec tout ça en rendant ça fun. Plus l'idée est primaire, plus il y aura d'émergence de gameplay.

J'en sais quelque chose car j'ai moi même créer un jeu du genre pour un concours de jeu vidéo amateur. Vizcacha, un jeu de plateforme/réflexion 2D dans lequel vous dirigez un lapin qui peut faire pivoter à 90° la structure du niveau. Le lien de téléchargement pour les curieux : http://www.freneticexperience.com/fr/vizcacha.html.

Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose de voir le genre s'étendre car ce sont des expériences vidéoludiques intelligentes qui rendent honneur au potentiel du jeu vidéo mais je trouve cela tout simplement triste en matière d'originalité...

Ce qu'on peut retenir, c'est que si un jeu donne son nom à un nouveau genre, c'est qu'il existe une recette tout faite pour en créer un clone. (GTA-like, Doom-like, Wow-like, Minecraft-like...)
À croire que l'originalité amène le stéréotypage...

Conclusion


Portal 2 est pour moi le jeu le mieux écrit de tous les temps : game design, level design, scénario, dialogue... Chaque détail semble avoir été travaillé pour être parfait et marquer le joueur dans le plus profond de ses entrailles. Les répliques font mouche, les niveaux sont ingénieux et l'expérience globale enivrante.

C'est un jeu de game designer, plein de bonne volonté, respectant son public et qui est conçu à la fois pour être un divertissement de pointe mais aussi une expérience marquante qui fait honneur au potentiel du jeu vidéo.

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